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Discours d'Hervé Morin, journées parlementaires à Nice

Publié le 21 Septembre 2010 par Noubar KECHICHIAN in Nouveau Centre

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Seul le prononcé fait foi-

 

Mes Chers amis,

Merci à Rudy pour son accueil toujours aussi chaleureux dans son fief niçois.

Merci à François et à Nicolas et merci à leurs équipes pour l’organisation de ces journées à Nice. J’ai été président de groupe, je sais le boulot que cela représente.

C’est bien. Nous sommes à nouveau tous rassemblés aujourd’hui.
Jean-Louis, Jean, Nicolas, Michel, Hervé, François : la famille centriste est réunie. La presse y verra peut être des clés pour demain. De mon côté je savoure juste le moment présent.

« Le plus court chemin d’un point à un autre, c’est encore le bonheur d’une journée » disait joliment Paul Fort.

Oui juste le plaisir d’être ensemble, de se retrouver, de s’écouter. Se souvenir des belles choses mais surtout imaginer des espérances communes.

Une dynamique s’installe. Laissons la se développer, s’enraciner peu à peu.

Et puis après les tensions  de la semaine dernière à l’assemblée nationale, ces images d’affrontements d’un autre âge, peut être y a t il chez chacun d’entre nous l’envie implicite de montrer aux Français une autre image de la politique et des hommes politiques.

Une image plus apaisée, une image plus fraternelle, une image plus conforme au tempérament centriste : la modération, le calme, l’ouverture d’esprit, la volonté d une société apaisée. 

Pas une société amorphe ou ramollie. Pas une société immobile ; non, une société dans laquelle le pouvoir politique recherche sur chaque sujet, sur chaque difficulté, sur chaque réforme, une réponse efficace et une réponse qui veille aussi  à ne pas provoquer de nouvelles tensions.  

Car dans la société de tensions et d’incertitudes dans laquelle nous vivons, il est de la responsabilité des politiques de rechercher les voies de l’apaisement sans pour autant nier la réalité et refuser de voir les problèmes bien en face.

Voilà bien ce que sont aussi les centristes, centristes qui sont aussi Européens.


Alors, Mesdames et Messieurs,

En conclusion du débat passionnant que nous venons d’avoir sur l’Europe, je voudrais justement que nous regardions les choses en face.

Comme nous sommes profondément européens, nous pouvons, plus que les autres, dire les choses avec lucidité.


Mes Chers amis,

L’Europe a besoin de nous car elle ne va pas bien.

Non seulement, l’Europe institutionnelle, l’Europe de Bruxelles, mais tout simplement l’Europe des Européens, l’Europe des nations européennes.

Nous sommes un espace de prospérité, d’innovation, la première puissance commerciale mais pourtant l’Europe vit un profond malaise; et pour moi, ce malaise repose sur 4 raisons très profondes.

Tout d’abord, l’Europe va mal parce qu’elle ressent confusément ce que nous savons : le monde est en train de basculer ; l’équilibre des puissances est en train de se modifier. Le monde bascule inexorablement des rives de l’Atlantique vers les rives de l’océan indien et du Pacifique et cela constitue un redoutable défi pour nous.

Un ou deux chiffres sont bien plus éclairants que de longs discours.

- Au 19e siècle, nous représentions plus de 20 % de la population mondiale ; nous ne représenterons plus que 6 % de la population mondiale en 2050.

- En 1950 : les Etats-Unis et l’Europe représentaient ensemble 70 % de la richesse mondiale. Ce ne sera plus que 30 % en 2050.

Et à cette date, 80 % de la croissance mondiale sera tirée par les 1 milliards 200 millions de consommateurs représentant la classe moyenne des pays émergents.

Ces quelques chiffres nous disent au moins une chose.

Nous vivons la queue de la comète d’une période que les Européens vivent comme une nostalgie.

L’Europe va mal aussi car, reconnaissons le tout simplement, il y règne trop souvent une ambiance de renoncement. Et le traitement infligé aux budgets de défense, par la totalité des pays européens à l’exception notoire de la France et du Royaume-Uni, l’éclaire plus que tout le reste. Car à travers la Défense, c’est la capacité pour notre continent à porter une politique étrangère influente.

Il y a bien la création d’un service d’action extérieure,  les coopérations structurées permanentes, des outils mais peu ou pas de volonté politique d’aborder les choses ensemble pour peser davantage ; et dans la bagarre multipolaire qui s’annonce, si l’Europe ne devient pas une puissance elle est condamnée à n’être tout-simplement qu’un protectorat ou à être soumis au condominium sino-américain.

Le début des discussions sur le Proche-Orient aux Etats-Unis est d’ailleurs tellement significatif. Notre concours aux Territoires palestiniens est massif mais ne nous sommes pas à la table des négociations.
Sur bien des sujets, nous sommes les acteurs d’un film dont le scénario s’écrit sans nous.

L’Europe va mal surtout parce qu’elle a oublié d’être un projet politique. En gros une idéologie de vide d’éthique, d’âme, de conscience collective, de citoyenneté européenne. On  a un Parlement européen élu au suffrage universel depuis 1979, mais on n’a toujours pas ou si rarement de débat politique européen.

L’Europe d’aujourd’hui se limite trop à une ambition platement économique et encore, elle ne réussit même pas sur ce sujet à faire partager cette idée avec les Européens car elle a fait de la concurrence pure et non faussée l’alpha et l’oméga de la politique européenne.

- Pas de politique industrielle européenne pour faire émerger de grands groupes européens, capables de rivaliser avec les grands groupes industriels du monde.

- Pas de politique de recherche commune à l’exception de quelques secteurs comme l’espace.

-Pas de politique de filière et d’émergence de nouveaux secteurs en dépit de stratégies maintes fois annoncées à de grands sommets.

Et je vous invite à relire un certain nombre de déclarations faites par les dirigeants politiques européens ou par la Commission au fur et à mesure des étapes majeures de la construction européenne.

- L’Acte unique, c’était 0,5 à 1 point de croissance en plus ;
- Maastricht, même chose !
- L’Euro aussi !
Et j’en passe.

On connaît le résultat. La croissance moyenne de la zone euro est la plus faible des grandes zones économiques. Et à la croissance promise, les Européens ont découvert l’endettement massif et le risque de faillite des Etats.

Tout n’est pas dû à l’Europe. Elle sert trop souvent de bouc-émissaire à nos insuffisances et à nos faiblesses, aux réformes trop souvent repoussées pour affronter la globalisation.
Mais je veux dire par là que dans la conscience de nos concitoyens, elle n’est même plus en tant que tel un vecteur de prospérité et de croissance.

 

Enfin, l’Europe va mal car les tentations du repli national sont grandes. 

- Et je pense au cri d’alarme du grand philosophe allemand, Jürgen Habermas, dénonçant la nouvelle indifférence de son pays vis-à-vis des destinées de l’Union Européenne ;

- Je veux parler du retour de l’intergouvernemental en lieu et place de l’initiative portée par les institutions européennes ;

- Je pense enfin au nouvel égoïsme des nations ; des nations oubliant que l’intérêt général européen ce n’est pas la somme des intérêts nationaux.

Voilà ce que chacun d’entre nous peut constater avec lucidité.

 

Mesdames et Messieurs,

Face à ce tableau que j’ai volontairement noirci car personne ne peut suspecter nos convictions, les centristes sont là pour réaffirmer que l’Europe doit être une ambition politique et qu’elle est notre destin.

Elle doit plus que jamais être une puissance politique capable de parler d’égal à égal avec les Chinois et les Américains.

Et cette puissance, c’est une fédération d’Etats nations ou le politique reprend le pas sur l’économique. Une fédération reposant sur une éthique, une conscience commune et une citoyenneté européenne. C’est cela le projet européen et non la taille et la forme des boîtes de petits pois ou la régulation financière.

Non, notre destin n’est pas de devenir la Suisse, avec peut-être la prospérité en moins. Nous avons vocation à peser sur les affaires du monde car nous avons un modèle à proposer – pour moi le meilleur – plutôt que de nous faire imposer les décisions des uns et des autres par l’addition de leur puissance.

C’est pourquoi il nous faut un projet résolument européen que seuls les centristes peuvent porter avec conviction et enthousiasme.
 
Et je vous soumets 5 propositions qui pourraient faire l’ossature d’un projet résolument centriste pour l’Europe.

 

Première proposition :

Nous avons une Europe démocratique avec des institutions exemplaires. Nous devons avoir une Europe politique. L’Europe crève du consensus. Il faut de vrais débats en Europe sur ce que les Européens veulent.

Veulent-ils une Europe plus sociale, plus libérale, plus conservatrice ? Veulent-ils consacrer plus d’argent à la défense européenne, à la protection de l’environnement ou à la recherche ?

Il faut une majorité qui détermine une politique alors qu’élections européennes après élections européennes, la politique européenne ne change pas. C’est encore et toujours le marché pur et parfait.

Pour cela, je fais une proposition : que bientôt nous présentions aux Européens dans un scrutin qui aurait lieu le même jour, de vraies listes européennes totalement transnationales composées d’autant de candidats qu’il y a de sièges au parlement. Il appartiendra seulement aux juristes de veiller à ce que des gardes fous permettent à tous les pays d’être représentés même les plus petits.

Je ne crois pas  en revanche à l’idée de l’élection d’un président de l’Europe au suffrage universel pour deux raisons :

- la première c’est qu’elle est étrangère à la tradition de la plupart de nos partenaires qui ont des régimes purement parlementaires,
- la seconde, c’est qu’un tel saut politique à 27 est impossible.

 

Deuxième proposition :

Pour devenir une puissance nous devons partager autre chose qu’une monnaie. Il nous faut aller vers une souveraineté partagée. Je ne dis pas abandonnée ; je dis partagée, mise en commun. Que l’Europe ait de vraies stratégies, par exemple une vraie politique partagée sur la gouvernance mondiale ou sur la lutte contre le réchauffement climatique.

Ce dont nous avons besoin, c’est d’une mise en commun des pouvoirs européens et non d’une mutualisation des incapacités et des insuffisances.

 

Troisième proposition :

Il faut pour l’Europe un budget digne de ce nom.

Osons parler d’un impôt européen à pression fiscale constante pour les citoyens.

Voilà une initiative qui participerait à l’émergence d’une citoyenneté européenne  et qui nous sortirait d’une logique de tiroir-caisse et de comptes d’apothicaires dont seule l’Europe a le secret.

 

Quatrième proposition :

L’Europe doit nous protéger. Elle doit permettre l’émergence et la consolidation de grands secteurs, je l’ai dit. Elle doit permettre, par exemple, l’émergence d’une « écologisation » de l’Europe grâce à une stratégie de filières. Et elle doit nous protéger des dépendances qui sont lourdes de menaces. Je pense à une stratégie énergétique qui doit se bâtir aujourd’hui à l’instar de la CECA dans les années 1950. Il nous faut en quelque sorte un Schengen de l’énergie.

 

Enfin, cinquième proposition :

Je ne crois pas que nous aurons à 27 et demain à 30 ou à 35  une politique étrangère ou une politique de défense commune.

Au sein des Etats européens, nous n’avons pas la même ambition, la même volonté de peser sur les affaires du monde.

 

C’est pourquoi au sein de l’Union européenne telle qu’elle se présente, je défends l’idée d’un nouveau traité à partir d’une initiative franco-allemande, entre des pays qui souhaitent s’engager vers l’émergence d’une puissance, d’une avant-garde portant une politique étrangère et une politique de défense commune. Et ce ne sont pas des critères qui détermineraient ce nouveau pacte mais le partage d’une ambition politique, celle d’être une puissance.

 

Voilà 5 propositions que je mets sur la table pour nos débats à venir ; et vous voyez bien que nous sommes les seuls à pouvoir les présenter avec l’unité de toute la famille centriste.

Aucun autre parti que le centre ne peut le faire avec la foi de notre conviction.

Et c’est la raison pour laquelle, sur ce sujet comme sur d’autres, les centristes devront être présents dans les débats politiques futurs avec leur singularité et leur vision.

 

Mes Chers amis,

Je mesure la difficulté du contexte politique de cette rentrée, la difficulté à concilier solidarité et visibilité, respect du contrat de législature et expression de nos idées.
 

 

Et je voudrais vous faire partager mon analyse.

Nos sociétés sont devenues plus complexes, plus subtiles, moins binaires car les idéologies sont mortes.

L’approche des problèmes est moins verticale qu’autrefois. On est de gauche mais on aspire à la sécurité avec autant de force qu’un électeur de droite. On est libéral mais on comprend qu’un service public de qualité est indispensable à la libre entreprise et à la croissance. En clair, les fractures ne sont plus verticales mais horizontales. Elles transcendent les partis politiques, notamment sur les grands sujets de société.

Oui, la pluralité est consubstantielle à des sociétés dans lesquelles l’offre est devenue immense et complexe ; des sociétés dans lesquelles la construction des réponses et des solutions est d’autant plus pertinente qu’elle appréhende l’arc en ciel des sensibilités et des nuances de la société française.

Il serait tout de même incroyable, alors que nos compatriotes vivent dans une société où l’offre est immense, infinie dans tous les compartiments de leur existence, qu’ils soient privés de cette pluralité sur le sujet le plus important de leur existence, qui est celui de la démocratie et de son expression.

Vous n’enfermerez pas la diversité, la pluralité et aussi, disons-le, la fragmentation de la société française dans une seule expression, une seule réponse politique à droite et au centre. Ce n’est pas possible et d’ailleurs, je suis convaincu que les Français ne le veulent pas et ne l’accepteraient pas.

Bien sûr les Français appartiennent à un camp politique et veulent des repères politiques clairs ; mais ils savent que personne ne détient le monopole de la vérité et de la juste réforme, que la victoire à une élection ne donne ni tous les pouvoirs, ni tous les droits.  Et je crois profondément que le pluralisme est d’ailleurs le meilleur des contre-pouvoirs, plus encore que le Parlement.

Le pluralisme oblige à la discussion au sein de la majorité ; et la discussion oblige à la pédagogie au sein de son propre camp ; et c’est la conviction formée ensemble qui fait émerger la bonne réforme pour le pays et convainc le pays.

 

Mes Chers amis,

Pourquoi la diversité serait-elle un atout  à gauche et un handicap chez nous ? 
Pourquoi serait-elle une force chez eux et une faiblesse chez nous ?
Pourquoi serait-elle une addition chez eux  et une soustraction chez nous ?
Oui, cette culture du dialogue et du pluralisme, nous devons aussi la faire vivre dans notre majorité. Une majorité est forte quand elle est vivante  car elle permet la fermentation, la maturation puis l’expression de la juste réforme.

Beaucoup de nos voisins européens comme l’Allemagne sous Schröder ou aujourd’hui le Royaume-Uni de Cameron et de Clegg, nous montrent qu’il est possible de concilier diversité et efficacité, pluralité et solidarité. La coalition, ce n’est pas l’immobilisme et c’est au contraire un vrai moteur de réformes. 

Oui, le débat entre partis associés n’est pas une contrainte mais au contraire un facteur d’équilibre et d’efficacité.

Oui, il faut un discours alternatif pour l’équilibre de la majorité ; un discours avec sa tonalité, et cela repose sur la contribution d’un centre, non pas un centre d’opposition mais un centre de construction.

C’est ce que nous avons fait sur le fichier Edvige, sur les niches fiscales, sur le redressement des comptes publics, et il vous appartient de le faire.

Voilà ce qui est notre voie et notre responsabilité.

 

Chers amis parlementaires,

- Bien sûr, nous sommes les héritiers de Raymond Barre qui a été le dernier Premier Ministre à présenter un budget en équilibre.
- Bien sûr, nous sommes les héritiers de Robert Schuman et des pères fondateurs d’une Europe qui aurait tant besoin de retrouver la source de leur pensée.
- Bien sûr nous sommes les héritiers de Simone Veil, de l’IVG, de l’assurance chômage et du vote à 18 ans.

Mais non, la vocation du Nouveau Centre et des centristes n’est pas de cultiver la nostalgie. Elle est au contraire d’éclairer ce début de siècle comme nos prédécesseurs ont éclairé le siècle précédent. Oui soyons disponibles à toutes les idées même à celles qui bousculent, soyons disponibles à toutes les interrogations même à celles encore sans réponses car nous avons l’ouverture d’esprit pour cela.

 

En proposant cette feuille de route, j’ai la certitude d’être fidèle à notre héritage centriste. Mais j’ai aussi la conviction d’être fidèle et utile à la majorité pour préparer la victoire de demain.

Je vous remercie.

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